Otto René Castillo
English version
This poem was written by Otto René Castillo, a Guatemalan revolutionary and poet who was executed by the Guatemalan Army on March 19, 1967. In this poem, he chastises intellectuals who decide to keep a detached distance from the events unfolding in their countries, instead of using their creative talents to ask for social and political change.
APOLITICAL INTELLECTUALS
One day
the apolitical intellectuals
of our land
will be interrogated
by the poorest of people.
They will be asked what they did
while their community
was extinguished,
like a sweet fire, small and alone.
No one will ask them about their fashion sense,
or their long lunches at the faculty club.
No one will want to know about their absurd
attempts to discover "the meaning of it all."
No one will care about or even understand
their economic outlook for
"the current recession."
They will not be questioned on
Greek mythology,
nor their new age remedy for
feelings of alienation.
They'll be asked nothing about their
post-modernist justifications for apathy,
concocted as self-serving lies.
On that day the simple folk will come.
Those who had no place in the
papers, books and poems of
the apolitical intellectuals,
but who produced their
food and clothes, built
their homes and cars,
who cleaned their
offices, raised their children, and cooked
their meals,
and they'll ask:
"What did you do when the poor
suffered, when tenderness and
life burned out in them?"
Apolitical intellectuals,
you will not be able answer.
A vulture of silence
will eat at your guts.
Your own misery
will pick at your soul.
And you will be mute
in your shame.
Version Française
Ce poème a été écrit par Otto René Castillo, un révolutionnaire et poète Guatémaltèque, qui fut exécuté par l'armée guatémaltèque le 19 mars 1967. Dans ce poème, il châtie les intellectuels qui décident de se tenir à l'écart des événements se déroulant dans leur pays, au lieu d'utiliser leurs talents créatifs pour demander des changements sociaux et politiques.
LES INTELLECTUELS APOLITIQUES
Un jour,
les intellectuels
apolitiques
de mon pays
seront interrogés
par les modestes
citoyens
de notre peuple.
Ils leur demanderont
ce qu'ils ont fait
quand la patrie
s'éteignait lentement,
comme un petit feu de branches
doux et solitaire.
Ils ne seront pas interrogés
sur leurs costards,
pas non plus sur leurs longues
siestes
après le déjeuner,
encore moins sur leurs efforts stériles
pour tout expliquer
ou leur ontologique manière d'arriver aux billets.
Ils ne seront pas questionnés
sur la mythologie grecque,
pas non plus sur le dégoût
qu'ils ressentirent
quand quelqu'un au fond d'eux
était prêt à mourir lâchement.
Rien ne leur sera demandé
sur leurs justifications
absurdes
poussées à l'ombre
d'un total mensonge.
Ce jour-là, viendront
les hommes modestes.
Ceux qui jamais n'ont eu leur place
dans les livres et les vers
des intellectuels apolitiques,
mais qui chaque jour leur livraient
le lait, le pain,
les œufs frais et les tortillas,
ceux qui recousaient leurs habits,
ceux qui conduisaient leurs voitures,
ceux qui prenaient soin de leurs chiens et leurs jardins,
oui, tous ceux-là qui travaillaient pour eux leur demanderont :
« Qu'avez-vous fait quand les pauvres souffraient,
et que brûlaient en eux gravement
la tendresse et la vie ? »
Vous, les intellectuels apolitiques
de mon doux pays,
vous ne pourrez rien leur répondre.
Un vautour de silence
vous dévorera les entrailles.
Votre propre misère
vous rongera l'âme.
Et vous vous tairez,
honteux de vous-mêmes.